samedi 28 avril 2018

Rapa-Nui J3

C'est encore la tempête ce matin : vent et pluie intermittente.
La météo annonce une amélioration dans la journée, aussi on prend son temps ce matin.
C'est particulier ici, en raison du décalage horaire réduit par rapport à la réalité, il fait jour tard, vers 8h30 (et le soleil se couche un peu avant 20h). Ca change l'Atacama où nous démarrions de bonne heure.
Effectivement, le temps s'améliore un peu plus tard et nous nous mettons en route, en commençant par aller saluer le moaï de l'Ahu Huri a Urenga. Décomposez bien, svp, et ne le traitez pas d'Ahu-ri, merci, (le moaï peut être susceptbible...).

L'Ahu Huri a Urenga est l'une des 25 plates-formes qui ne se trouvent pas sur la côte, mais à l'intérieur de l'île et correspond à une zone agricole, d'établissements humains.
L'ahu a été restauré par William Mulloy en 1976, dans le cadre de ses travaux de récupération du patrimoine archéologique. C'est une plate-forme de 13 mètres de long sur 4 mètres de large, avec un seul moaï qui a la particularité de présenter deux paires de mains.
Derrière l'ahu il y a une plate-forme de crémation, que l'on retrouve dans la plupart des ahu de l'île. On croit que cette structure a été utilisée pour les rituels funéraires.
Un observatoire astronomique :
A l'entrée du site se trouve un puits d'eau et quelques trous dans la pierre utilisés pour accumuler l'eau de pluie. La chose incroyable à propos de cet endroit est que ces perforations ont servi à refléter les étoiles prédisant les cycles et les saisons, ce qui a contribué au grand héritage archéologique et astronomique laissé par les anciens autochtones.
Une autre particularité de l'Ahu Huri a Urenga est que la plate-forme et le moai sont orientés exactement dans la direction où le soleil se lève pendant le solstice d'hiver austral (21 juin). La plate-forme est également en ligne avec deux collines voisines, Maunga Mataengo et Maunga Tararaina, ainsi qu'avec deux ahu voisins de plus petite taille.
C'est pourquoi on pense que c'était un observatoire solaire qui jouait un rôle important dans le calendrier Rapanui. Cela marquait non seulement le début de l'hiver (toge), mais également le début de différents tapu ou interdictions qui réglementaient la pêche et d'autres activités dans l'île.





Un peu plus loin se trouve Puna Pau, la carrière de pukao (les coiffes des moaïs).

Puna Pau est un petit volcan éteint, situé à environ 7 kilomètres au nord-est de Hanga Roa, dont le nom fait référence à une source ou un puits d'eau qui aurait dû exister dans son environnement. Ce cratère fait partie d'un ensemble de cônes parasites qui ont émergé lors des éruptions de Ma'unga Terevaka, le volcan le plus jeune et le plus haut de l'île de Pâques.
A l'intérieur du cratère Puna Pau, il y a une carrière de scories rouges qui était autrefois une source importante de matière première pour les insulaires. La scorie rouge ou hani hani, comme on l'appelle dans la langue rapanui, est un type de cendre volcanique de grande porosité et de dureté rare, qui montre une couleur rougeâtre due à l'oxyde de fer présent dans sa composition.
Les caractéristiques de ce matériau souple et facile à sculpter, qui le rendait impropre à la construction, ont été utilisées pour fabriquer divers types d'objets, dont certains très spéciaux. Parmi eux, il y a une vingtaine de statues de petite taille, des récipients pour l'eau, appelés taheta, des blocs de type ornemental et des yeux de moai.
Bien qu'il existe d'autres dépôts sur l'île, la carrière de Puna Pau était la plus importante de toutes, et l'on pense qu'elle est à l'origine de la plupart des objets connus sculptés dans le hani hani. Cette pertinence peut être due à la forte couleur rougeâtre de sa matière, puisque dans la culture Rapanui, la couleur rouge est une couleur symbolique associée aux rites sacrés et au mana ou à la force spirituelle.
Il semble que Puna Pau était considéré comme un lieu secret et sacré. Son emplacement caché d'autres parties de l'île, une production presque silencieuse, qui a été faite à l'intérieur du cratère, et une couleur rouge particulièrement appréciée a contribué à son isolement et à son mysticisme.

Plusieurs pukao se trouvent abandonnés à Puna Pau.





Le reste de la journée va être consacré à une randonnée entrecoupée de quelques spots spéléos...

Nous sommes dans le parc national, au nord de Hanga Roa.


La première grotte est Ana Te Pahu, un superbe tunnel de lave.

Ana Te Pahu s'est probablement solidifiée il y a des milliers d'années lors de l'éruption de Maunga Hiva Hiva, un petit cratère qui a causé le dernier déversement de lave. Les dernières explorations, réalisées par plusieurs spéléologues, ont découvert qu'elle est formée par plusieurs chambres souterraines interconnectées dont la totalité dépasse les 7 kilomètres de longueur.
Ana Te Pahu pourrait être traduit comme "la grotte du tambour", puisque le pahu en langue rapanui désigne un type de tambour. Ce nom vient de la mince couche de lave durcie qui recouvre la cavité formant un gigantesque tambour naturel d'un kilomètre et demi de diamètre. Si vous frappez ou sautez par-dessus l'écorce de lave, une vibration résonne à l'intérieur. 
Les anciens habitants utilisaient cette grotte comme habitation, profitant de sa grande largeur et de sa facilité d'accès. Cela est prouvé par les restes de umu pae (vieux fours en pierre) où ils ont cuisiné la nourriture. Les ouvertures du plafond causées par l'effondrement du matériau ont empêché l'accumulation de fumée à l'intérieur.
L'une des principales chambres d'Ana Te Pahu a été utilisée comme réservoir d'eau, car les fréquentes précipitations, typiques du climat subtropical, filtrent à travers la roche et s'accumulent à l'intérieur. Cela a permis aux résidents d'avoir une réserve d'eau très accessible et a évité de se rendre vers des zones humides naturelles plus éloignées, comme Rano Aroi.
Cet étang naturel était particulièrement utile à l'époque où Ana Te Pahu servait de refuge. Ici, des Rapanui se sont cachés pendant les affrontements qui ont surgi entre les différentes tribus pour détenir le pouvoir et pendant la triste série de "raids" à la recherche d'esclaves, qui ont été organisés au milieu du siècle XIX. 
Ana Te Pahu est aussi connue comme la "grotte des bananes" car il y a beaucoup de ces arbres à l'entrée située à quelques mètres sous la surface. À côté d'eux poussent des vignes, des avocats et des tubercules comme le taro ou l'igname. La grande humidité à l'intérieur et la protection du vent qui offre la grotte ont favorisé son utilisation comme manavai ou pépinière naturelle par les anciens insulaires. Ici, ils ont planté une grande variété de cultures qui, grâce à la lumière du soleil et aux pluies fréquentes, se sont développées abondamment.





Oh, du miel...





Il y a pas mal d'eau dans les galeries...







Une sortie de secours...







Deux autres petites grottes. Remarquer sur la deuxième un pétroglyphe de Make_make (assez peu visible).



 Plus loin se trouve le site de Te Peu

A Ahu Te Peu on trouve les ruines de ce qui était autrefois un grand village qui s'étendait du chemin côtier actuel jusqu'au bord de la falaise. Dans cette bande, d'environ deux cents mètres de largeur, apparaissent plusieurs constructions typiques des anciens insulaires.
On peut voir plusieurs manavai. Ces structures circulaires en pierre ont été utilisées pour faire pousser différentes plantes à l'abri des vents et maintenir ainsi l'humidité. On croit que cette méthode de culture est inspirée par l'observation de l'écosystème qui est créé dans les cratères des volcans comme Rano Kau ou Rano Raraku, dans lequel la végétation abonde.
Le bloc rectangulaire de pierres avec une petite ouverture 
est un poulailler. Une autre construction importante dans les villages qui servait à enfermer la nuit les précieux oiseaux, en les introduisant par son unique trou. Cela évitait le vol de l'un des principaux ingrédients de l'alimentation et source de l'approvisionnement en plumes utilisées dans la tenue vestimentaire.
On découvre également les fondations de plusieurs hare paenga ou barques, nommées ainsi parce que leur forme elliptique ressemble à celle d'un bateau. Ici se trouve la plus grande "maison bateau" sur l'île, avec une longueur de 43 mètres.
A l'arrière de l'ahu où se trouvaients les moaïs (aujourd'hui écroulés) se trouve un mur imposant avec d'énormes blocs de pierre assemblés avec la maîtrise. Ce travail mégalithique rappelle la technique utilisée sur le célèbre mur de Vinapu, mais sans atteindre la même perfection.

La tradition raconte que peu de temps après sa mort, le roi Hotu Matu'a a été transféré et enterré à Akahanga (où il est actuellement le ahu Akahanga). Sa soeur Ava Rei Pua, épouse du nommé Ariki Tu'u Ko Ihu, a été enterrée à Te Peu, son lieu de résidence.
Des recherches récentes ont établi une relation astronomique et géométrique entre ces deux sites. Les deux sites où furent enterrés les deux frères et soeurs d'origine royale sont situés aux extrémités d'un axe entre l'aube du solstice d'été et le crépuscule du solstice d'hiver, reliant symboliquement leur lieu de repos au cycle solaire annuel.
Il a été prouvé qu'en regardant le coucher du soleil du solstice d'hiver d'Akahanga, situé sur la côte sud-est de l'île, le dernier rayon de soleil se dirige vers Te Peu, où la tradition indique la tombe d'Ava Rei Pua. De la même manière, de Te Peu au nord-ouest de l'île, il est possible de voir le soleil se lever vers Akahanga, la tombe du roi Hotu Matu'a, à l'aube du solstice d'été.
Peut-être, ce fait n'est qu'une simple coïncidence géographique. Bien que vu d'un point de vue plus mystique et sentimental, cela peut montrer comment l'ancien rapanui a utilisé sa connaissance de la géométrie et de l'astronomie pour unir symboliquement la dernière demeure de deux de ces frères transcendants dans l'histoire de l'île.






On distingue ici deux maisons-bateaux :






On est ici dans une partie très sauvage de l'île (pas de route) avec très peu de monde. Ce lieu, d'une grande beauté, dégage une impression très forte.


Poursuivons, un peu plus loin, avec une autre grotte, Ana Te Pora  (Ana = grotte)

Ana Te Pora qui pourrait être traduit comme "la grotte de la canne à roseaux" est un long tube de lave qui contient une grande pièce en forme de voûte avec des murs lisses. On pense que cette grotte était une grotte d'Ana Kionga ou de refuge et servait à se cacher de l'ennemi dans les périodes où les affrontements entre les différents clans étaient fréquents.
Un lit de pierre, un autel de cérémonie ou une sépulture  ?
Une fois à l'intérieur de cette grande salle, à quelques pas de l'entrée, il y a une formation rectangulaire faite de pierres qui ressemble à un lit ou à un matelas. On ignore son usage. L'ancienne Rapanui dormait directement sur le sol sur un lit de tapis ou d'herbe et utilisait une pierre lisse comme oreiller. Si le temps était frais, ils étaient recouverts d'une couche de mahute (tissu végétal). Cependant, cela ne semble pas être sa fonction.
Aucune autre structure semblable à celle-ci n'a été trouvée dans une caverne. On pense que peut-être il a été construit comme un autel cérémoniel ou comme une tombe pour une sépulture, en raison des restes osseux trouvés ici. Les grottes de l'île de Pâques ont servi de dernière demeure à de nombreux habitants, raison pour laquelle ils ont toujours eu un caractère sacré lié aux esprits.

On ressort un peu plus loin, entre deux rochers.







La dernière grotte, pour aujourd'hui, est Ana Kakenga, ou la grotte des deux fenêtres.

L'entrée est un petit trou qui conduit à une galerie plus large qui se sépare en deux.
Chaque galerie débouche en pleine falaise. Attention à la marche...








 
 De retour à l'extérieur, on admire les falaises qui surplombent le Pacifique.


Retour à notre point de départ après cette très belle rando, plein de découvertes (environ 9 km  AR).

Ce soir, dîner d'empenadas au bungalow (sortes de chaussons fourrés).

6 commentaires:

  1. sait on pourquoi la statue de l'ahu huri avait des bras et pas les autres ? ce qui est étonnant c'est de savoir que les polynésiens, qui sauf erreur sont à l'origine du peuplement de l'ile, vers (ou avant) 1200, avaient déjà de telles connaissances, alors que la polynésie était déjà elle même très isolée, et que pendant ce temps là en Europe c'était le début de l'obscure moyen âge.
    Sinon, c'est sympa de pouvoir mettre ses chaussons le soir après une telle balade ! et belle séance de stretching pour passer dans les grottes.

    RépondreSupprimer
  2. Les connaissances de ces peuples en astronomie sont incroyables.

    Pour ce qui est des moaïs, ils sont en général représentés avec deux bras finement gravés en bas du buste, mains croisées.
    On les distingue à peine sur la 2ème photo, au ras des herbes.
    Ici, le dessin est doublé. Voici ce qu'on a pu lire :
    "On ne sait pas exactement pourquoi. On suppose que ça aurait pu être gravé deux fois en raison de l'usure de la base, ou à cause du transfert depuis la carrière ou que de nouveaux bras ont été sculptés pour respecter la proportion du corps."
    En clair, on n'en sait rien...

    RépondreSupprimer
  3. Mais non...
    Quatre mains, c'est pour réparer plus de vélos en même temps !

    Martine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. et oui, ça manque ! 4 mains et 2 têtes idéalement

      Supprimer
  4. Remarquables, les connaissances astronomiques de ce peuple, si isolé.
    J'adore le système du reflet des étoiles dans les trous remplis d'eau, c'était la journée spéléo, mais très originale. Les impressions semblent en effet très fortes, on doit se sentir vraiment loin de tout ... et on l'est !

    RépondreSupprimer
  5. Il vaut mieux en effet ne pas chatouiller le moaï de l'Ahu Huri, vu sa taille ! En tout cas nous constatons votre souplesse pour cette journée spéléo ! Avec cet hiver neigeux vous avez eu l'occasion de vous muscler les articulations !
    Cette journée est encore une fois riche en découvertes. Et grâce à vous, nous on en profites avec grand plaisir.

    RépondreSupprimer