mardi 5 janvier 2021

Spéléo : Guiers Mort

Nous voici à St-Pierre de Chartreuse en ce début janvier, dans une belle ambiance hivernale.
Les brouillards givrants ont couvert de glace les arbres, obligeant les branches à ployer sous cette brusque surcharge.

Au programme ce matin : spéléo hivernale ! Une belle boucle dans le gigantesque et fabuleux réseau de la Dent-de-Crolles, en pénétrant par la résurgence, la grotte du Guiers Mort.
D'ailleurs certains disent qu'il n'y a pas que les arbres qui sont complètement givrés !!

Nous allons commencer par emprunter des galeries fossiles (abandonnées par l'eau depuis bien longtemps) pour s'enfoncer jusqu'au coeur du massif, puis nous reviendrons par le collecteur, qui draine les eaux du réseau, afin de ressortir en suivant la rivière (sauf les siphons que l'on va contourner...).

Il faut préciser que ce massif est un vrai labyrinthe en trois dimensions : 13 entrées, plus de 60km de galeries, des dizaines de puits entre les différents niveaux, et un vrai risque de se perdre si on ne connaît pas bien ou si on n'a pas les topos (ce qui est hélas souvent arrivé par le passé, obligeant à déclencher des secours).

L'hiver est une bonne période pour cet itinéraire car la neige et le froid font que le niveau d'eau est bas et le risque de crue faible (sauf à avoir un gros redoux).

Manon n'étant pas disponible pour une excellente raison (elle est enceinte), c'est Pierrick, son compagnon, qui m'accompagne. Pierrick est un pro du secours en montagne au PGHM, pilier du spéléo-secours, et connaît parfaitement le réseau. Il sait donc de quoi il parle...

Je vais vite découvrir que ses qualités techniques et sportives n'ont d'égales que ses qualités humaines, ou vice-versa ! En même temps, je n'avais aucun doute à ce sujet. Mais chut ! Ne lui dites pas trop...

On se retrouve donc à Perquelin, terminus de la route, à 8h. Le temps est couvert et il ne fait pas très froid : -6°. C'est une bonne température pour la marche d'approche, en raquettes, à condition de ne pas trop se couvrir (la montée est raide).
Après un check du matériel, on charge les sacs et on commence donc par une petite rando dans la neige, d'environ 350m de dénivelé. Soyons polis, je laisse Pierrick faire la trace, il est chez lui après tout !
Il nous faut une petite heure pour gagner l'entrée de la grotte, dont l'accès se fait par une main-courante, dans la neige, pas inutile pour franchir un petit ressaut glacé.


Bon, c'était bien sympa cette petite rando, mais c'est maintenant que ça commence. On va dire que c'était la mise en jambes...

On se change sous le porche d'entrée, joliment décoré de stalactites de glaces. On enfile combi, baudrier, casque et c'est parti.

On remonte l'éboulis de la grande salle en faisant attention car c'est couvert de glace.

En haut se trouve l'entrée du Réseau Sanguin, une suite d'étroitures sur environ 200m, ce qui est plutôt long. Ramping sur les cailloux, de quoi bien monter en température si jamais on avait froid, ce qui n'est pas le cas.
Bien entendu le kit (le sac) que l'on traîne derrière soi en bout de longe se coince régulièrement, sinon ce serait moins drôle. Et puis, c'est son job de kit de se coincer...
Le courant d'air est fort dans ses parties étroites, et la glace encore présente un bon moment, alors que nous sommes déjà bien éloignés de l'entrée.
La température est plutôt constante toute l'année sous terre, excepté quand on est proche de la surface. Dans la Dent de Crolles, c'est aux environs de 6° (alors que dans les cavités moins alpines c'est généralement autour des 10°) avec une hygrométrie élevée.
On arrive ensuite à la base du Puits Pierre que l'on va remonter sur 35m (avec un fractionnement très confortable).


Comme le réseau de la Dent-de-Crolles est connu et fréquenté l'été (tout est relatif tout de même), et permet de réaliser plusieurs traversées, de nombreux puits restent équipés en fixe, les cordes étant changées régulièrement. Il en va de même pour les nombreuses main-courantes.

Pierrick me montre l'utilisation du "pantin" (j'en vois déjà qui rigolent...), une technique qui n'existait pas "de mon temps" !
Pour remonter sur une corde, on utilise des bloqueurs : un sur le torse et un au-dessus, relié à une jambe par une "pédale" ce qui permet de se hisser simultanément avec les jambes et les bras.
Le pantin est un troisième bloqueur qui se fixe en-dessous, à un pied, et offre des avantages indéniables. Il facilite le coulissement de la corde dans le mouvement traditionnel mais il permet aussi
de monter en "alternatif", comme si on "marchait" verticalement sur la corde. C'est cool... mais pas évident. Je fais plutôt pantin désarticulé pour l'instant !
J'essaye mais ne suis pas vraiment convaincu sur les premiers mètres. En fait le corps a une "mémoire du geste" assez étonnante. Je ne fais pourtant pas de la remontée sur corde toutes les semaines (!) mais les réflexes gestuels sont bien présents, comme pour faire du vélo ou nager.
Et il n'est donc pas si simple de changer le mouvement et c'est perturbant. Je persévère néanmoins et, dans un des puits suivants, je chope le truc et là, c'est assez magique : le mouvement alternatif est vraiment sympa et ce petit accessoire, bien utilisé, peut aussi faire économiser de l'énergie. Belle découverte.

Globalement, les techniques spéléo n'ont pas changées tant que ça, mais il y a tout de même pas mal de petites évolutions. En taille, d'abord, les bloqueurs sont plus petits, les cordes plus fines. L'éclairage, lui, a été révolutionné par les leds et les batteries haute capacité, et c'est super confortable.

Une galerie remontante nous mène à l'énorme et splendide puits Isabelle, que l'on contourne sur des mains-courantes.


Nous voici maintenant dans le Boulevard des Tritons, vaste galerie, coupée par deux nouveaux passages en vire pour contourner des puits.

Au carrefour de la Rotonde, on fait un petit détour pour aller voir le haut du Puits Noir, qui est équipé.
En poursuivant notre cheminement, la galerie présente un beau surcreusement. Progresser avec un pied de chaque côté évite de tomber dans le trou...

Nous arrivons ainsi au Puits Banane, que l'on remonte sur une quinzaine de mètres.


Une nouvelle galerie agrémentée de mains-courantes nous mène au sommet de la Cascade Rocheuse, haute de 40m.
La descente le long des cannelures est fractionnée plusieurs fois ; la corde du dernier tronçon a été malencontreusement fixée en bas, empêchant d'installer le descendeur, ce qui oblige Pierrick, qui est devant, à descendre aux bloqueurs. Il la libère et je peux descendre normalement.

Nous profitons de l'espace sec au pied de la Cascade Rocheuse pour faire une pause casse-croûte/boisson chaude. Après une petite 1/2 heure d'arrêt, on commence à se refroidir, il est temps de repartir.

On emprunte une galerie qui part sous la Cascade Rocheuse et nous mène au Puits du Cerf que l'on descend, pas tout à fait jusqu'en bas, afin de prendre pied dans la galerie du Faciès Souriant.

Celle-ci est rectiligne et bien agréable et nous amène à l'Escalier de Service Bis (équipé), qui va nous permettre de descendre dans le Collecteur.                                                                                              


Le Collecteur est une longue suite de marmites, de ressauts, de petites escalades/désescalades et de progression en opposition, le tout dans une super ambiance et sur 1,5 km !


Plusieurs mains-courantes aident à passer les obstacles les plus importants, dont la Piscine, une grande et profonde marmite.



Une petite escalade nous mène ensuite à la vire des stalactites, qui évite un passage impénétrable.          


On continue à progresser, souvent en opposition, en choisissant au mieux à quelle hauteur c'est le plus facile puis on rejoint l'eau avant d'arriver à la Plage, qui précède un siphon.


Quelques mètres en amont, on trouve un puits remontant, puis un deuxième et la progression se poursuit, toujours variée.

Tout ceci nous amène à la Cascade Elizabeth, que l'on descend avec un rappel guidé (descendeur sur la première corde, longe sur la deuxième installée en diagonale, et qui permet d'éviter d'être éclaboussé).



Une nouvelle corde remontante nous mène au Labyrinthe, une longue succession de galeries basse et inconfortables, parfois boueuses.

Plus l'apparition de glace nous indique qu'on est proches de la sortie.
Sur la vire, équipée d'une main-courante, on peut soit descendre aussitôt dans la salle de l'Ouragan, soit continuer la vire pour descendre dans la grande salle d'entrée.
Nous choisissons la première solution : la vire est glacée et la salle de l'Ouragan, qui peut parfois être inondée, ne pose aucun problème.
On passe devant un beau miroir de faille avec des stalactites de glace, pour rejoindre la grande salle d'entrée (toujours bien glacée bien entendu) et le porche d'entrée, dans lequel le nuage tente de pénétrer.

On se change avant de sortir, repasser la main-courante d'accès, et rechausser les raquettes pour une descente parfois "free-ride" droit dans la pente.

On rejoint les voitures et il est temps d'aller se faire offrir un bon thé au gite par Martine !

TPST (temps passé sous terre) : un peu moins de 6h30, à un rythme plutôt tranquille, en prenant le temps d'admirer, de prendre des photos, et de s'arrêter pour manger (très important !).

Le parcours demande une bonne condition physique pour en profiter pleinement et ne pas galérer, en particulier dans les passages bas et les étroitures. Notre boucle faisait environ 4 km, ce qui sous terre est déjà assez important.

Je me félicite donc d'avoir fait un peu de gainage et de renforcement musculaire ces dernières semaines, en plus du trail et du ski de fond pour la "caisse".
Bien sûr, je suis très loin du niveau de Pierrick, qui me met "un vent" dans les parties étroites où, l'âge aidant, ma souplesse n'est plus tout-à-fait celle d'avant... Mais l'important est de progresser à son rythme en évitant de dépenser inutilement de l'énergie.

Pour être tout à fait honnête, je dois dire que le soir, une fois "refroidi", je sentais bien tous les muscles : une vraie leçon d'anatomie ! Ajouté à cela une jolie petite collection de bleus, dûs aux multiples frottements et contacts avec la roche. Quelques souvenirs éphémères... La spéléo est vraiment le sport le plus complet que je connaisse.

Super sortie, donc, dans cette partie du réseau qui est magnifique. Il y a même des concrétions, ce qui est plutôt rare à la Dent de Crolles.
Cette boucle est très variée, la plus belle partie étant sûrement le collecteur, quand on rejoint l'eau, qui est vraiment magnifique.

Un grand merci à Pierrick pour ces excellents moments où, pendant quelques heures, on est très, mais alors vraiment très loin des préoccupations extérieures...

Et vivement la prochaine !!


Pendant ce temps, Martine a fait une belle rando en raquettes vers le col du Coq.



















1 commentaire:

  1. wouah, wouah, wouah !!! beau récit et belles images. Impressionnant .Le pantin me laisse pantois ! cela donne envie ... de lire !.Eh , belle balade aussi de Martine avec une belle atmosphère ! Merci pour ce moment d'évasion.

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