Spéléo : Traversée Gouffre de la Henne Morte - Grotte des Commingeois
Tôt ce matin dans les Comminges, les nuages de fond de vallée ne sont pas encore dissipés, créant une belle mer de nuages.
Il est 7h30 sur la place d'Arbas, encore un peu endormie, quand je retrouve Thomas et Iban.
L'objectif du jour : la traversée entre le gouffre de la Henne-morte et la grotte des Commingeois.
Ces cavités font partie du réseau Félix Trombe, le plus grand réseau souterrain de France avec 57 entrées et plus de 117km de développement total, à ce jour. Enorme !
La Henne-morte ("la femme morte" du nom d'une bergère qui y périt autrefois) fut exploré dès 1943 par Norbert Casteret et Marcel Loubens notamment puis en 1946-47 et fut alors qualifié de gouffre le plus profond de France.
Nous allons donc entrer par le gouffre de la Henne-morte, à 1352m, dégringoler une quinzaine de puits (dont certains arrosés) sur plus de 350m, qui vont nous mener à -400 pour emprunter un réseau plus ou moins horizontal, avant de ressortir, si tout va bien (!), par la grotte des Commingeois, à 957m, dans une pente très abrupte. Joli programme ! Sachant que dans une traversée de ce type on utilise le rappel de corde. Donc après le premier puits, pas de retour en arrière possible...
Revenons à ce tout début de matinée : on laisse une voiture sur le parking de la cascade de planque, à quelques km d'Arbas, en prévision du retour avant de gagner le parking de la fontaine de l'Ours.
On prépare les kits avant d'entamer la marche d'approche. Le départ est facile mais ça se complique rapidement car le terrain n'est pas simple : on évolue, hors sentier, dans un karst très végétalisé. Heureusement, Thomas connait les lieux et avec l'aide du GPS, on trouve l'entrée sans galérer.
A noter qu'il fait beau et chaud !
Nous pénétrons dans le gouffre à 10h.
On commence gentiment à descendre les premiers puits : les cordes de 9mm étant neuves, il convient d'ajouter un frein supplémentaire pour éviter tout risque d'excès de vitesse...
Les deux excellents "pros" qui m'entourent sont très efficaces et équipent à tour de rôle, tout en restant attentif à mes évolutions. Normal, on ne se connaissait pas il y encore deux heures ! Tout roule, je me sens parfaitement bien, dans mon élément, et ils s'en rendent compte rapidement. De tout façon, ici impossible de tricher...
Les puits s'enchainent les uns après les autres de manière très fluide et sereine, juste entrecoupés de pauses photos de temps à autres.
Le nom de ce puits vient du double accident de Maurel et Loubens, lors des premières explorations, tous les deux gravement blessés.
Marcel Loubens décèdera hélas quelques années plus tard à la Pierre st-Martin lors d'un tragique accident. Le livre "Exploration" de Norbert Casteret relate leurs aventures incroyables.
Quelques "petits" puits nous mènent ensuite à la salle du Camp, qui est un carrefour avec une autre partie du réseau.
Une toute petite vire, qu l'on peut qualifier d'aérienne, permet d'équiper le fameux Puits de la Tentation hors d'eau.
D'ailleurs, si ça vous tente, il y a un rassemblement spéléo en aôut prochain :
https://cds31.net/rassemblement-2021/
On voit bien la vire sur l'affiche, entre les 2 spéléos :
Le Puits de la Tentation est un P75 (l'équivalent d'un immeuble de 25 étages environ), fractionné à -20 (on descend 20m et un relai en pleine paroi évite tout frottement pour les derniers 55m). Les volumes sont énormes et le puits sublime... si on aime le vide ! Quel pied.
La réputation de ce puits (et du gouffre) est largement méritée et l'avantage de nos puissants éclairages modernes, c'est qu'on a une parfaite vision de l'ensemble, ce qui n'était pas le cas à l'époque de l'acétylène. Vive le progrès.
Le P24 qui suit est encore magnifique, un des plus beaux pour Thomas. On arrive là aussi dans un joli petit lac.
Un dernier P15 nous amène dans la partie horizontale du gouffre. Le parcours est très varié : des galeries actives où on marche dans l'eau, entrecoupées de bassins que l'on franchit parfois en tyrolienne, puis des galeries fossiles.
De petits ressauts à grimper ou à descendre, des passages en rampant ou à quatre-pattes, un peu de progression en opposition...
On trouve également quelques concrétions, en particulier des excentriques (subissant le courant d'air, elles ne poussent pas verticalement).
Après une pause casse-croûte bienvenue, on poursuit, dans des galeries sèches plus argileuses. Dans certaines parties étroites, le courant d'air fait voler de fines particules qui obligent à quasiment fermer les yeux en rampant.
Tiens une feuille morte, on est proche de la sortie. Effectivement, la lumière du jour apparaît au détour d'un boyau.
C'est un moment assez magique de ressortir de l'autre côté de la montagne.
Bon, ne nous emballons pas pour autant car la pente est très raide à l'orifice de la grotte et on doit se longer à une corde fixe pour commencer à descendre.
Qu'il fait chaud ! On attend de trouver un terrain un peu plus favorable pour se déshabiller un peu avant de faire la marche de retour, qui demande environ une heure.
Vraiment une superbe traversée, très verticale dans la première partie avec des puits magnifiques. Un grand merci à Iban et Thomas pour cette sortie très fluide et très sereine, un vrai bonheur ! TPST 5h20 environ (temps passé sous terre) sans speeder et en prenant pas mal de photos.
N'hésitez pas à faire appel à ces deux excellents professionnels, qui proposent des sorties spéléo ou canyon de tous niveaux :
Thomas :
https://www.envergure-speleo.com/
Iban :
http://www.uretalur.fr/